Peu importe où vous êtes, en Europe, en Amérique, et même ici, au Québec, vous avez forcément déjà entendu l'expression « C'est du chinois » pour décrire quelque chose d'incompréhensible. Cette idée s'étend souvent au japonais, perçu comme une forteresse linguistique imprenable. Cependant, cette langue est-elle réellement si difficile à apprendre ? Je crois que non. La difficulté perçue vient souvent de l'ignorance et d'une réticence à accepter des systèmes linguistiques simplement différents de nos langues indo-européennes. Nous allons aborder cette question sous deux angles : l'écriture et la grammaire. Il ne faut pas nier que le japonais présente des défis, mais il est bien plus accessible qu'on ne le pense.
L'un des premiers freins psychologiques est le système d'écriture. Le nombre de caractères à apprendre, les fameux kanji, est souvent considéré comme insurmontable. Officiellement, la liste des jōyō kanji (les kanji d'usage courant) en compte 2136. Ce chiffre peut paraître énorme, mais il faut le mettre en perspective.
Plutôt que de voir les kanji comme 2136 mots indépendants, il est plus juste de les considérer comme des briques de sens. Par exemple, le kanji 「水」 (mizu) signifie « eau ». En le combinant, on forme de nouveaux mots de manière très logique : 「水曜日」 (suiyōbi, mercredi, litt. "jour de l'eau"), 「水道」 (suidō, aqueduc, litt. "voie de l'eau"), ou 「香水」 (kōsui, parfum, litt. "eau parfumée"). Apprendre un kanji, c'est donc débloquer la compréhension de dizaines de mots. La tâche consiste moins à mémoriser des milliers de dessins qu'à apprendre un système de construction de sens.
De plus, le japonais ne repose pas uniquement sur les kanji. Il dispose de deux syllabaires phonétiques, les kana : les hiragana et les katakana. Chacun est composé de 46 caractères de base qui représentent des sons (comme "ka", "shi", "o", etc.). Les hiragana sont utilisés pour la grammaire (terminaisons de verbes, particules), tandis que les katakana servent principalement à transcrire les mots d'origine étrangère. Ces deux systèmes s'apprennent en quelques jours et permettent de lire et d'écrire n'importe quel mot en japonais, même sans connaître les kanji correspondants. C'est un filet de sécurité qui rend la langue immédiatement plus accessible.
Si l'écriture représente un défi de mémorisation, la grammaire japonaise, elle, surprend par sa simplicité et sa logique. Oubliez les complexités du français :
| Forme | Positif | Négatif |
|---|---|---|
| Non-passé (neutre) | 食べる (taberu) | 食べない (tabenai) |
| Non-passé (poli) | 食べます (tabemasu) | 食べません (tabemasen) |
| Passé (neutre) | 食べた (tabeta) | 食べなかった (tabenakatta) |
| Passé (poli) | 食べました (tabemashita) | 食べませんでした (tabemasendeshita) |
| Forme en -te | 食べて (tabete) | 食べなくて (tabenakute) |
| Potentiel | 食べられる (taberareru) | 食べられない (taberarenai) |
| Causatif | 食べさせる (tabesaseru) | 食べさせない (tabesasenai) |
| Impératif | 食べろ (tabero) | 食べるな (taberu na) |
La structure de la phrase (Sujet-Objet-Verbe) et l'usage des particules (comme は, が, を) pour indiquer la fonction des mots sont certes différents, mais ils suivent une logique interne très cohérente. Une fois le rôle de chaque particule compris, construire des phrases devient un jeu de construction.
Le japonais n'est pas une langue facile, mais sa difficulté est souvent mal comprise. Le défi principal est la mémorisation initiale des systèmes d'écriture. Cependant, sa grammaire régulière et l'absence de certaines complexités propres aux langues latines en font une langue beaucoup plus logique et moins frustrante qu'il n'y paraît. La clé est d'aborder le japonais non pas comme une version "difficile" du français, mais comme un système différent, avec sa propre cohérence.